VIivre avec la faune sauvage : Vers une gestion rationnelle des bénéfices et des nuisances

Évènements | Auditorium de la fondation François Sommer - Paris | Le 26/09/2024

Thématiques : Prévention et prophylaxie, Suivi des ravageurs, des maladies des plantes, des espèces envahissantes

Région : Échelle nationale

En France comme ailleurs dans le monde, un effondrement de la biodiversité est constaté dans les espaces ruraux. Il concerne notamment les insectes, les amphibiens et les oiseaux, alors même que des populations de certaines espèces, du fait de leur croissance démographique ou de changements dans leur aire de distribution géographique, peuvent poser des problèmes complexes à résoudre. Par ailleurs, plus de 8 personnes sur 10 résident actuellement dans une commune urbaine selon l’INSEE. Dans le contexte du réchauffement climatique, l’aménagement d’espaces végétalisés et biodiversifiés dans les villes engage à de nouveaux rapports entre les habitants et une faune sauvage urbanisée.

Cette évolution globale s’accompagne d’une évolution des mentalités concernant le bien-être animal, induisant des clivages de plus en plus importants entre différentes catégories sociales, voire des contradictions intimes parmi nos concitoyens. Ces clivages se cristallisent, par exemple, autour de jugements sur la « nuisibilité » ou « l’utilité » de certaines espèces arbitrairement essentialisées de ce point de vue, sans que la complexité du socio-écosystème dont elles font partie soit toujours prise en compte de façon objective.

Les formations spécialisées des commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage sont engagées à aider les préfets à statuer sur le classement d’espèces jugées susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD) sous critères « d'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, ou pour assurer la protection de la flore et de la faune, ou pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles, ou pour prévenir les dommages importants à d'autres formes de propriété » (Article R427-6 du Code de l’Environnement). Des débats récurrents, souvent conflictuels, et des choix finaux qui se terminent parfois au tribunal administratif, les agitent.

Par ailleurs, des dommages sous ces critères peuvent être objectivement constatés à propos d’espèces qui ne sont pas classables ESOD, qu’il s’agisse d’espèces de rongeurs ou d’arthropodes dont certaines peuvent être classées « nuisibles » au titre du Code Rural et de la Pêche Maritime (Articles L201 à L275 dont L251-3), d’espèces chassables comme certains ongulés (cerfs, chevreuils, sangliers, etc.), mais aussi d’espèces réglementairement protégées (grand cormoran, loup, etc.), dont certaines populations et individus peuvent causer des dommages, agricoles, pastoraux, forestiers ou aquacoles localement problématiques.

La notion de « nuisibilité » (explicite ou périphrasique quand il s’agit d’ESOD) est scientifiquement inappropriée quand elle est appliquée à une espèce dans sa totalité. Toutes les espèces sont issues de plus de 3 milliards d’années d’évolution du vivant, et elles ont montré leur capacité à se maintenir et à contribuer au fonctionnement des écosystèmes dont elles font partie. La notion de nuisibilité, alors rapportée à une population locale ou même aux seuls individus en cause en un temps et un lieu donnés, peut-être moins inappropriée quand elle est complémentée : « nuisible à… ». Le contexte, le type de dommage et qui le subit doivent alors nécessairement être définis objectivement.

Les évolutions décrites plus haut, engagent donc à une évolution parallèle des modes d’évaluation des problèmes et des solutions durables à leur apporter, qui dépassent les statuts réglementaires actuels et certaines pratiques.

L’Académie vétérinaire de France, sur avis de sa commission Biodiversité, juge donc nécessaire, au-delà des statuts particuliers des espèces concernées et transversalement, d’engager une réflexion sur une méthodologie et une éthique de prise en compte rénovée de la notion de populations animales (ou d’individus) susceptibles d’occasionner des dommages (PAISOD) dans le contexte actuel du réchauffement climatique, de l’effondrement de la biodiversité, de l’anthropisation grandissante des espaces ruraux, et de l’urbanisation croissante des populations humaines.

Nous souhaitons dépasser les controverses d'opinion, pour nous appuyer dans cette réflexion commune sur des connaissances factuelles et validées par des protocoles scientifiques.